Je me sent nul (e), incapable, incompétent(e), jamais à la hauteur…
Les « hypo-narcissiques » souffrent d’un manque d’estime de soi flagrant, qu’ils ne cessent de verbaliser à qui veut bien les écouter. Mais à quoi leur sert ce dénigrement systématique ?
“La plupart du temps, c’est mon entourage qui me le fait remarquer, explique Camille, 43 ans, galeriste. Je n’arrête pas de dire que je suis nulle, incapable, incompétente, pas à la hauteur. Même quand je réussis, une expo par exemple, j’ai du mal à admettre que j’y suis pour quelque chose. » Les psys sont unanimes quant aux origines du manque d’estime de soi. « Le sentiment de valeur se construit au fil des expériences vécues, aussi bien corporelles que psychiques et bien sûr relationnelles, notamment dans l’enfance », résume Stéphane Rusinek1, professeur de psychologie clinique et spécialiste des thérapies cognitivo-comportementales. Parents dépréciateurs ou eux-mêmes dans une forme d’autoflagellation permanente, et voilà l’enfant en manque de sécurité, incapable de construire un sentiment d’identité solide. Et quand, par la suite, échecs et revers viennent jalonner l’existence, la faille s’agrandit. Soit.
Mais pourquoi les « hyponarcissiques » ont-ils besoin de dire tout haut qu’ils sont plus bas que terre ? À quoi sert ce dénigrement ?
Je cherche à être rassuré
« La dévalorisation de soi est une demande de réconfort, explique Sylvie Protassieff2, psychologue et psychanalyste. Nous voulons être plaints, aidés, aimés. Nous cherchons à réveiller chez l’autre un réflexe parental dont nous avons sans doute manqué. » Une quête de réassurance. En pointant du doigt nos lacunes, nous attendons de l’autre qu’il nous contredise et les fasse disparaître. « Mais le soulagement n’est que temporaire, reprend la psychanalyste et coach Hélène Vecchiali3. La seule personne à pouvoir combler la faille narcissique et changer de regard, c’est soi. »
J’aime être pris en charge
« Se dénigrer, soi ou ses capacités, est aussi une façon, le plus souvent inconsciente, d’être pris en charge, précise Stéphane Rusinek. Cette impuissance supposée est un bon prétexte pour se déresponsabiliser, éviter certaines situations ou tâches. » Pourquoi s’y atteler puisqu’on est mauvais ? Sylvie Protassieff confirme que « nous restons dans une position de victime, peut-être douloureuse, mais très confortable parce que connue et expérimentée. Ce positionnement est devenu une habitude, un mécanisme de défense »
Je tente d’exister
« Se plaindre est une autre façon de se vanter, remarque Hélène Vecchiali. Mieux vaut être reconnu en tant que “nul” qu’en tant que “rien”. Tout sauf l’indifférence ! Revendiquer son incapacité est une façon de (se) prouver qu’on existe. Autre bénéfice, en se dénigrant soi-même, on croit se protéger de ce que l’on craint par-dessus tout : le dénigrement de l’autre. » On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
1. Auteur de Traiter la dépression et les troubles de l’humeur (Dunod).
2. Auteure d’Et si je m’aimais enfin ! (Eyrolles).
3. Auteure de Moi, moi et moi. Narcissisme : le bon, le mauvais et le pathologique (Marabout). Que faire ?
Arrêtez de vous comparer
« la comparaison alimente la dévalorisation puisque nous nous estimons toujours à notre détriment, sans jamais considérer les situations où nous sommes à notre avantage. Il nous faut aussi apprendre à nous protéger des personnes toxiques, qui favorisent notre sentiment d’insuffisance. Mais nous pouvons sortir de ces mauvaises habitudes ».
Menez l’enquête
« Interrogeons nos pensées négatives quand elles surviennent, propose Stéphane Rusinek, spécialiste des thérapies cognitivo-comportementales. Considérons les faits de façon plus objective. Vous estimez avoir raté le dîner pour vos amis ? Enquêtez : la réussite de la fête dépendait-elle de la qualité du repas ? Qui a été malade ? Qu’est-ce qui n’était pas à votre goût, l’entrée ou le dessert ? C’est ainsi que nous changeons, non pas nos pensées, mais notre façon de raisonner. »
Reconstruisez-vous en thérapie
Lorsque la dévalorisation de soi est trop prégnante et douloureuse, la psychanalyste et coach Hélène Vecchiali suggère de reprendre le processus de narcissisation. « Le thérapeute nous offre la possibilité de revivre la danse affective qui n’a pas eu lieu avec le parent. C’est ce cercle vertueux positif qui permet de construire une bonne estime de soi, ni dans le trop, ni dans le trop peu. » L’occasion d’une renaissance…
Ma solution
Éléonore, 32 ans, préparatrice en pharmacie
« Depuis quelques années maintenant, je surveille mon langage. J’étais la reine de la plainte, je me voyais toujours comme une “mauvaise” personne, mère, épouse, amie, employée. J’essaye aujourd’hui de ne pas utiliser de tournures ni de mots négatifs quand je parle de moi. J’ai lu qu’il ne fallait pas nécessairement être “positif”, simplement “affirmatif”. Donc, je suis, je ressens, je vois, je pense, j’éprouve. J’ai l’impression que cette façon de parler pollue moins mon esprit. Et pollue moins les autres aussi. »
« Depuis quelques années maintenant, je surveille mon langage. J’étais la reine de la plainte, je me voyais toujours comme une “mauvaise” personne, mère, épouse, amie, employée. J’essaye aujourd’hui de ne pas utiliser de tournures ni de mots négatifs quand je parle de moi. J’ai lu qu’il ne fallait pas nécessairement être “positif”, simplement “affirmatif”. Donc, je suis, je ressens, je vois, je pense, j’éprouve. J’ai l’impression que cette façon de parler pollue moins mon esprit. Et pollue moins les autres aussi. »